Lors
d'un colloque, où étaient discutées notamment des questions
touchant à la science et à la politique, j'ai entendu un orateur
débattre de la question de l'intersection éventuelle de la
« sphère de la science et de la sphère du politique ».
Jusque là, rien de bien particulier. Toutefois, j'ai été choqué,
par la suite de l'interventin de notre homme, parce que, à un
certain point de son exposé, il mettait en avant un troisième
élément : la sphère du public.
Quoi ?
Il y a aurait donc la sphère du public, la sphère de la science, la
sphère du politique. Cela signifierait-il que l'on en arrive à
imaginer que le politique soit distinct du public ? A ma
connaissance, les élus sont les représentants du peuple, et rien
d'autre. De sorte qu'il ne peut y avoir de sphère du politique
distincte de la sphère de la science, sauf à considérer que le
monde politique est devenu autonome, au lieu de n'être que les
ambassadeurs du public.
C'est
donc une idée tout à fait détestable, que je propose de combattre
vigoureusement.
D'ailleurs,
à la réflexion, la science est une activité, et l'on devrait
s'interroger sur la signification de cette expression « la
sphère de la science ». Mettons de côté une interprétation
qui partirait de l'expression fautive « la sphère
scientifique » : la science, en tant qu'activité, n'a pas
de voix au débat politique, ou sur les applications des sciences, ou
encore sur la gouvernance de la recherche scientifique, et notre
orateur aurait donc dû plus justement parler de la « sphère
des scientifiques ».
Une
question se pose alors : les scientifiques sont-ils différents
du public ? Je propose de ne pas traiter cette question
maintenant, bien qu'elle soit importante, puisque nous voyons bien
dans nos travaux scientifiques, combien nos a priori, nos
préjugés, nous bloquent dans la recherche de connaissances
nouvelles, les dogmes s'imposent à nous, et il est souvent bien
difficile de les renverser, d'une part parce que cela ne peut se
faire souvent que sur la base d'un travail scientifique considérable,
et, d'autre part, parce qu'il y a un certain confort intellectuel à
accepter les dogmes, lesquels sont des cadres dans notre pensée.
Mais
c'est là une autre histoire, et je veux seulement conclure en
répétant que les mots les plus chatoyants méritent d'être
interrogés, analysés, décortiqués...
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