mercredi 28 mai 2014

Un avis de l'Académie d'agriculture de France

Communiqué de presse
Suites judiciaires de la destruction d’un essai scientifique en plein-champ
L’Académie d’agriculture de France a pris connaissance du jugement de la Cour d’appel de Colmar, en date du 14 mai 2014, concernant la destruction, par un groupe de « 54 faucheurs », d’un essai scientifique en plein champ, utilisant des
pieds de vigne, conduit par l’Institut national de la recherche agronomique (INRA).
-Elle se réjouit de constater le maintien de la condamnation, en première instance, des faucheurs pour violation de domicile, ainsi que l’obligation d’indemniser l’INRA, les moyens utilisés étant disproportionnés à la nature des risques auxquels ils prétendaient remédier. Elle s’étonne que la dispense de peine soit justifiée, en particulier, par le fait que le trouble causé par l’infraction a cessé : en fait, ce trouble n’a pas cessé puisque l’amélioration des connaissances qui était attendue de cette expérience par la communauté scientifique n’a pas été obtenue.
-Elle s’étonne que la Cour ait jugé illégal l’arrêté autorisant l’essai, au motif de l’absence d’une étude d’impact préalable. Aussi bien au moment de la conception de l’essai, en collaboration avec la société civile et les associations
concernées localement, que de l’examen de la demande de prolongation par le Haut conseil des biotechnologies (HCB), dans lequel siègent les personnalités scientifiques françaises qui, en raison de leurs travaux antérieurs et de leur familiarité avec les problèmes posés, sont les mieux à même d’apprécier correctement les risques entrainés par une telle expérience, des études
d’impact environnementales ont été évaluées selon les connaissances disponibles et au delà de tout doute raisonnable. Elle considère qu’il s’agit d’une erreur manifeste d’appréciation.
-Elle rappelle l’avis émis conjointement par les académies des Sciences, des Technologies et de l’Agriculture le 17 mars 2014, à la suite du colloque tenu à l’Institut de France le 19 novembre 2013 sur les plantes génétiquement modifiées: « La recherche publique doit conserver et développer ses capacités d’expertise au service de tous, notamment par
l’expérimentation. Les académies demandent que les questions scientifiques et agronomiques touchant aux plantes génétiquement modifiées soient approfondies sur des bases objectives. Ceci implique de restaurer la liberté de mener des recherches et essais, y compris l’expérimentation en plein-champ et sur le long terme, en application des règlementations existantes ».
-Elle s’associe aux protestations de responsables d’organismes publics de recherche et d’universités contre des individus ne respectant pas les règles démocratiques et se livrant à des voies de fait pour empêcher de conduire des
expérimentations, ayant fait l’objet d’autorisations, selon des protocoles précis et transparents, seules de nature à permettre de recueillir des preuves scientifiques documentées sur la réalité des effets des organismes génétiquement modifiés sur les êtres humains, les animaux et l’environnement.

A Paris, le 28 mai 2014
Le Secrétaire perpétuel
Gérard Tendron
Le Président
Jean-Marc Boussard

mercredi 21 mai 2014

Le public n'a pas peur de la chimie : il ne la comprend pas.



En ces temps politiquement corrects, commençons par une précaution : j'ai bien du mal à reprocher aux autres leurs ignorances (observez le pluriel, svp), puis je suis moi-même très ignorant.
Cela étant, on nous dit que le public a peur de la chimie, et c'est un fait que les marchands de peur utilisent cette peur, ou prétendue peur, à leur avantage. Toutefois, le public a peur de la chimie ? Deux événements récents conduisent à nous interroger.
Premier épisode, lors du Salon de l'agriculture : à la fin de ma présentation de la cuisine note à note, où j'ai fait goûter divers produits (observez le mot, svp), un petit boucher nivernais vient me voir et me demande si les produits que j'ai présentés sont « chimiques ». Je lui explique que le terme est ambigu (en général, pas en réalité), et qu'il y a des composés extraits de produits « naturels » (pour faire simple!), tel le saccharose extrait des betteraves, et des produits synthétisés. Synthétisés, demande-t-il ? Cherchant un exemple simple, je lui raconte qu'à l'âge de six ans, j'avait mis deux fils reliés une pile dans un verre d'eau afin de produire deux gaz, et de décomposer l'eau. Décomposer l'eau ? Oui décomposer l'eau : un après un certain temps, le verre est vide, l'eau a disparu, et l'on a rempli des bonbonnes de gaz que l'on nomme hydrogène et oxygène. Décomposer de l'eau : notre homme n'en revient pas.
Profitant de son étonnement, je lui dit qu'il est également extrêmement facile de synthétiser de l'eau. Synthétiser de l'eau ? Oui, synthétiser de long, c'est-à-dire la fabriquer. Non pas par une simple condensation de vapeur, mais bien plutôt par la réorganisation de réactifs pour obtenir un produit, littéralement chimique, qui est l'eau. De l'eau en tous points indiscernables de l'eau d'eau du ciel.
Et notre homme de s'éclairer, et de répéter, émerveillé : « Vous synthétisez de l'eau ! Vous synthétisez de l'eau ! Oui, vraiment, vous avez un beau métier ! ». Autrement dit, cet homme n'avait pas peur de la chimie, mais il ignorait tout de cette activité pourtant ancienne.
Second épisode, plus récent encore. Ayant observé qu'en faculté de droit, nos amis juristes n'avaient pas des idées bien claires sur la différence entre un composé et une molécule (par pitié, rappelez vous ma remarque introductive), sachant que le milieu culinaire a le plus grand mal avec la notion de composé, j'enregistrais un podcast pour donner des explications. Des explications simples, à l'aide de balles diversement colorées. J'avais presque honte de délivrer des notions aussi simples (pour un physico-chimiste), mais un vague sentiment que cela devait être fait.
Le résultat a été au delà de tous les espoirs... avec des emails de félicitations, de remerciements. Comprenons bien que je ne suis pas en train de me taper sur la poitrine, mais simplement d'observer que le public... ne comprend rien à la chimie, ne la connait pas, et ne refuse pas de la connaître, est reconnaissant quand on lui explique.

La conclusion générale de tout cela, c'est que nous nous trompons si nous acceptons l'idée que le public a peur de la chimie. Il n'a pas peur, mais il ignore tout d'un des transformations que certains savent faire. Généralisons un peu : puisque le public ignore la chimie, comment voulez-vous qu'il sache ce qu'est un OGM ? L'ADN ? La radioactivité ? De ce fait, il est facile, trop facile, d'utiliser cette ignorance pour manipuler des opinions. D'ailleurs, il est probable que cette manipulation se fasse par des personnes qui ignorent également la chimie, et qui sont seulement plus craintifs que les autres... mais c'est là une interprétation charitable, et l'on peut aussi imaginer que les marchands de peur, donc agissant à des fins commerciales, ou des gens de pouvoir, ayant volonté d'orienter les réactions du public à leur guise, se livrent à des manipulations à leur profit.

Il y a donc urgence. Urgence à ne plus croire fautivement que le fait de vivre au XXIe siècle puisse éviter la présentation de notions élaborées au cours des siècles. Il y a une nécessité urgente d'un d'expliquer la chimie, la biologie, la physique, les sciences de la nature en général.
Militons, expliquons !